A mon sens , n'en déplaise à l'éditeur, voilà un roman noir que j'oserais qualifier d'abusivement classé dans la "blanche". Car c'est l'histoire magnifiquement raconté d'un homme de l'ombre dans le premier cercle de la Russie poutinienne, tsariste! Baranov , car tel est son nom, est un quasi inconnu, énigmatique, et l'auteur, grand narrateur, l'a longuement rencontré une nuit dans sa retraite au fond de la taiga et c'est à la fois passionnant et fort.......sombre. C'est certainement l'opus qui va vous faire découvrir en profondeur la très complexe âme russe actuelle, qu'un occidental est dans l'incapacité de saisir. Car aussi invraisemblable à nos yeux que cela paraisse, la culture russe aime la dictature , les tyrans , son histoire sanglante et répressive au fil des siècles, pour elle, ses grands hommes, ce sont Ivan le Terrible, Pierre le Grand, Staline et désormais Poutine qui ne fait que poursuivre une lignée millénaire sanguinolente! C'est de fort loin le meilleur opus pour illuminer ce pays/continent toujours en clair/obscur face à nos yeux ébahis. Il y eut Raspoutine, il y avait Baranov, un théâtreux qu'a priori , rien ne prédestinait à occuper ce poste de conseiller occulte. Et il en a traversé des épisodes d'une longue histoire moscovite, de l'avènement de l'ancien patron du FSB/KGB à son firmament, via des renversements et reniements du fait du Prince, oligarques vérolés, les Berezovsky, , Khodorkovski, qu'il était impératif d'exiler ou d'incarcérer, pour que Poutine puisse établir et rétablir son règne sans partage et figer la nouvelle sainte Russie dans un retour à son statut millénaire immuable! Splendidement écrit dans un style, émaillé d'anecdotes et de citations lumineuses au coin de l'âtre, cette longue nuit entre le mentor et son "écoutant" reste un moment suspendu dans le temps, comme une bougie dans la nuit noire d'un continent "terra incognita". Extrait : La vérité, c'est que la technologie militaire qui nous entoure a créé les conditions pour l'émergence d'une mobilisation totale. Désormais, où que nous nous trouvions , nous pouvons être identifiés, rappelés à l'ordre, neutralisés si nécessaire. L'individu solitaire, le libre arbitre, la démocratie sont devenus obsolètes : la multiplication des données a fait de l'humanité un seul système nerveux, un mécanisme fait de configurations standards prévisible comme une nuée d'oiseaux ou un banc de poissons."  Très vifs remerciements aux éditions Gallimard et à David Ducreux, attaché de presse.   

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