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C'est à coup sûr l'un des polars les plus émouvants lus depuis longtemps car au-delà de la façade d'un humour grinçant, d'une rare causticité, le lecteur perçoit une gravité, une profondeur qui m'ont profondément touchées. Gus a une détestable opinion de lui-même, il estime être un perpétuel "loser" et c'est vrai que les faits ne jouent pas en sa faveur, son parcours n'étant qu'une succession d'échecs retentissants. Mais ce qui le mine véritablement, c'est son ratage avec sa fille Emilie qu'il ne supporte pas! Alors, il va tenter l'impossible, l'invraisemblable, réaliser une prise d'otages et envisager avec Emilie un départ en avion vers le Vénézuela pour refaire sa vie. Une exceptionnelle farandole de portraits va venir se greffer autour de ce spectaculaire fait divers : Cerise, jeune prostituée "couillue", un couple illégitime, Gwen et Dany, Fatou, une migrante clandestine enceinte, George, gérant de ce minable établissement "Le Love Hotel", Boudu, clochard lumineux, Hubert livreur complètement "stone", mais aussi Serguei, serbe trafiquant d'armes et de drogue. En face, un autre personnage extraordinaire, la capitaine policière Mia d'une profonde humanité. Ce qui fait la grande force de cet auteur, c'est indubitablement son imagination et sa construction d'intrigues, qui avait déjà été démontrées lors de ses opus précédents. Son art du portrait et le rythme qu'il procure à ses publications figurent aussi parmi ses lignes de force, sans compter que ses synopsis sont tels qu'il vous sera impossible de vous y ennuyer. Lecture donc hautement recommandable et très vifs remerciements aux éditions Les Arènes et à Hind Boutaljante, attachée de presse. Et je ne peux m'empêcher de joindre à cette chronique ce long extrait pour vous faire prendre conscience du caractère à la fois comique, visuel et ébouriffant de l'auteur :" Le chat dérape entre les jambes de l'assaillant, ses pattes patinent sur les débris de porcelaine, la douleur des coupures le fait bondir. L'animal en totale perte de contrôle atterrit sur la gazinière, percute la casserole sur le feu. Le récipient s'envole en double salto, projetant le liquide brûlant sur le crane rasé de Gunther qui, aveuglé par le thé bouillant, prend le relais du chat hystérique, court en tous sens dans l'espace restreint, moulinant des bras autour de lui à la recherche d'une aide ou d'un cou à tordre. Dans la confusion, il renverse la jarre de farine rangée au-dessus de la cuisunière, matériau propice à la confection du clafoutis s'il en est, mais également extrêmement inflammable, tout comme le bomber en vinyle synthétique que porte le bouledogue au goût vestimentaire discutable, la farine s'enflamme et propage son embrasement jusqu'aux manches puis au dos de l'assaillant en déroute. La torche humaine hurle comme une truie en partance pour l'abattoir. Gunther part en quête de l'évier, tête baissée, urgence d'une douche sous le robinet, tâtonne pour trouver le mitigeur et appuie au hasard sur tout ce qui tombe sous sa main sur le plan de travail, dont le bouton "start" du mixeur. Sa tresse ridicule qui pendait par là se retrouve happée entre les pales du broyeur, son jappement part dans les aigus, le bouledogue tente de se raccrocher à ce qui s'offre à lui dans sa chute: un torchon suspendu à un crochet vissé dans l'étagère à condiments. L'homme pesant un bon cent vingt kilos, l'étagère en agglo fixée à un placo de piètre qualité cède sous son poids. Le déversement de la bouteille d'huile de friture déclenche le feu d'artifice pour le bouquet final. Le mafieux cramoisi titube, telle une merguez trop grillée qui s'échapperait d'un barbecue qui aurait mal tourné, il s'écroule contre le micro-ondes, s'accroche dans un ultime réflexe à la prise raccordée à hauteur d'homme, fait fondre le câble dans sa main enflammée et s'achève tout seul d'une décharge de deux cent vingt volts, provoquant une fontaine d'étincelles du plus bel effet au moment de clore ce son et lumière d'un gore frisant le burlesque."   IRRESISTIBLE , NON ?

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