Il s'appelle Ibrahim, il est ado guinéen et devenu migrant par nécessité vitale, elle s'appelle Isabelle, elle fut enseignante, a quitté son foyer et son travail par profonde mélancolie. Ibrahim tente de passer d'Italie en France, Isabelle se retrouve à Nice et ils se rencontrent par un pur hasard dans un centre administratif et le Dieu hasard fait que , ce tout jeune guinéen mineur et cette femme mature qui a tout laissé derrière elle, eux qu'absolument tout semble opposer, un fluide passe. Isabelle va récupérer ses réflexes professionnels et apprendre à Ibrahim les rudiments de notre langue; elle va aussi , non sans difficulté, lui apprendre la marche et découvrir les paysages somptueux de l'arrière-pays niçois, en dépit d'une dame Nature fort colèrique. Mais Ibrahim va se heurter à la bêtise et l'injustice bureaucratique propres à notre pays, si éloignées des coutumes guinéennes. C'est un livre superbe , magnifique, celui d'une rencontre improbable autant que pétrie d'humanité, un duo splendide entouré de personnages aussi simples qu'intelligents, tels Jean, l'oléiculteur, Brigitte l'hôtelière, Marie extraordinaire petit bout de femme fille de Jean. Extraits :" Comment blâmer ceux qui, comme Ibrahim, cherchent un peu de la richesse que nous affichons de façon ostentatoire? Que vaut un Etat qui condamne les hommes et parfois les enfants qui tentent juste de survivre à l'apauvrissement, à la violence, à l'absence d'espoir auxquels les a réduits la vie dans leur pays, et qui valorise le profit, le passage de capitaux, la fluidité des avoirs? Je comprends mal qu'on soit arrivé à faire la différence entre ceux qui fuient la guerre, les réfugiés, et ceux qui fuient la misère, la faim, le désespoir d'une vie sans projection possible, les migrants "économiques", comme si mourir de faim, ce n'était pas mourir aussi."  Je remercie les organisateurs du salon du livre du village de La Saussaye qui m'ont permis de rencontrer cette auteure et je dédie sarcastiquement cette chronique à un certain Eric Zemmour !