Voilà un roman noir historique écrit brillamment sur la seconde ville française, pétri de découvertes, passionnant au-delà du possible, et qui va vous en apprendre davantage que de nombreuses thèses sociologiques urbaines. Ce qui m'a le plus étonné, c'est la continuité , la permanence de ce port à travers les décennies quant à sa culture profondément enfouie du banditisme, du trafic, de la corruption, de la prostitution et des politiciens véreux. Les années trente et les années 2020 marseillaise, concernant ses fondamentaux, c'est quasiment du copié/collé. Se rapportant au domaine immobilier, souvenez-vous de l'évènement s'étant déroulé il y a quelques mois, de l'immeuble vétuste s'effondrant en pleine ville, on retrouve certains passages similaires dans cet opus mais à la fin des années trente. Qu'est-ce à dire, y-a-t-il une fatalité phocéenne qui impose de son empreinte millénaire le visage d'une métropole à jamais marqué par un destin contraire? Bien sûr, il y a eu l'Occupation, ses lâchetés et ses retournements de veste, magnifique narrée par un auteur particulièrement au fait du sujet, avec des passages superbes et d'une rare densité, mais le substrat marseillais demeurait en dépit de toutes les avanies, telle une tunique de Nessus incoerciblement collée à son maillage urbain, les lacis de ses vétustes quartiers, si typiques par ailleurs, ses bandirs, ses maquereaux, Carbone, Spirito, et déjà les Guérini, ses politiciens profondément gangrenés et déjà Deferre, ses policiers toujours sur le fil du rasoir pour ne pas passer le fil rouge , comme Grimal, Blémant, et ce petit peuple consubstantiellement bigarré, cosmopolite, et terriblement attachant, bref, j'ai beaucoup aimé et énormément appris, pour en dire qu'au final, qui n'est pas Marseillais ne peut pas comprendre et saisir son charme ineffable et unique, malgré tous les avatars négatifs qui lui sont nécessairement liés. Vifs remerciements aux éditions Gaussen et à l'auteur.