Extraits : " Les mots ont un prix, écrire comporte un risque, autant le savoir".  " Paume contre paume, les épidermes s'apprenaient, callosités, creux, stries et plats, les terminaisons nerveuses interprétant les diverses sensations nées de ce contact furtif, toute la sensibilité cutanée des intéressés convoquée sur quelques centimètres carrés de l'épiderme lisse ou rugueux, par la moiteur accentuée." "La cité était une caisse de résonance, un choeur gros de milliers de voix rivalisant d'importance. Tout y était enlaidi, taché, disgracié à l'image du square encadré de ses quatre immeubles, point focal cristallisant les tares et les frustrations des habitants, lopin de terre épuisée tel un coeur frôlant la syncope." J'ai débuté cette chronique par des extraits montrant le style fabuleusement ciselé, le sens de la description acéré de l'auteur. C'est ni plus ni moins que brillantissime, convenons-en. C'est une galerie de portraits au scalpel de personnages subissant une forme d'enfermement à l'intérieur d'une cité, ayant pour tout horizon une barre d'immeubles et un square pelé. Des vies sans espoir, sans perspectives, d'une profonde insignifiance, d'une rare insipidité mais terriblement actuelles. Des existences étriquées, affreusement falotes, sans projet sauf parfois celui de devenir pour un temps par exemple le caid de sa tour ou le cheffaillon d'une petite bande. Les filles quant à elle, en sont réduites le plus souvent à devenir inexorablement des faire-valoir, des mères soumises, et si l'une d'elles en venait à regimber, elle ne pouvait s'attendre qu'à de vigoureux retours de manivelle. Terrible portrait de ces territoires manifestement perdus, décrits à l'aide d'une plume d'une rare subtilité et concision, à travers cent trente pages d'une grande densité et richesse. Mais quelle sensation d'en ressortir comme étouffé, sorte d'univers carcéral hors les murs, là où la simple évocation de l'expression ascenseur social serait risible si elle n'était aussi pathétique. Vifs remerciements à In Octavo éditions et à Nathalie Jaussaud/Obitz.

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