J'aurais pu réaliser cette chronique en la saissant pour moitié à l'aide d'extraits car c'est un bijou, mais un bijou qui fout les jetons! C'est une dystopie d'une sombre qualité, même dirais-je exceptionnelle! "Avec l'installation des pandémies, les gens, notamment les jeunes, avaient pris l'habitude de ne plus se toucher. Les baisers mimés avaient remplacé la bise. Le langage des signes avait supplanté les pressions de la main sur une épaule, les accolades et l'effleurement des corps, un hygiénisme qui avait transformé toute une génération en haptophobes."  "Les livres m'ont aidée à ne pas me perdre, à rester en vie, si je lis c'est avant tout pour rester humaine." "La chaîne du livre, déjà fragilisée dans les années trente, quand les dernières générations de grands lecteurs avaient disparu, s'était effrondée faute d'éditeurs et de libraires, laissant le champ libre à des dizaines de milliers de graphomanes, fictionneurs et feuilletonistes de tout poil qui avaient submergé la toile de flots de texte. Le stockage dans les fermes de serveurs nécessitant une énergie devenue trop chère pour un bilan carbone insoutenable , il avait fallu mettre un terme à cette logodiarrhée. Le temps des philistins était alors advenu, avec la dispation des livres et de l'art en général." "Pendant qu'ils fustigeaient les discours catastrophistes des scientifiques sur les mutations climatiques, ces ultra-riches affrétaient des jets prêts à décoller à la première alerte pour les emmener avec leur famille vers les destinations où l'air était respirable et la météo clémente, quitte à tirer un trait définitif sur les outrances réservées à leur caste. Après tout, ils en avaient bien profité".  "En laissant mourir le roman, l'homme avait laissé mourir quelque chose de lui, peut-être son humanité." "On vit une époque à l'apogée de sa production active d'ignorance, un bien précieux dont se repaissent les publicitaires, et qui satisfait au-delà de leurs espérances ceux qui nous dirigent. C'est le signe le plus manifeste de l'effondrement de notre civilisation."  Voilà, nous sommes en 2051, et Norma, nonagénaire bon pied bon oeil, veuve et bibliophile affirmée, sait pertinemment que ses derniers jours de relative liberté entourée de ses livres chéris et de l'urne de son ex/mari, sont comptés. Alors, mollement, elle finit par accepter, avant la démolition de son logement, une interview avec une pseudo/journaliste, en vue de conter les évènements essentiels de sa vie, elle dont le métier de romancière a complètement disparu depuis longtemps. Elle est entourée de quelques voisins qui la préservent encore d'un extérieur désastreux mais dont elle a parfaitement conscience!  C'est tout simplement magnifique, splendide, et j'aurai tant de superlatifs en réserve. Les personnages sont sensationnels, le scénario est sublime, Norma est renversante et quant à moi, je vous donne rendez-vous dans trente ans et on en reparlera! Ah ben non, c'est vrai, je serai mort.  Un immense merci Au Diable Vauvert et à Nathalie Paino, attachée de presse.  

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