"Plus jamais seul" de Caryl Ferey

"Sa mère était une colonne sèche qui avait Dieu entre les cuisses et priait pour que ça passe."    "Une amitié celte, semblable à un vieux grille-pain déglingué: difficile d'y entrer, impossible d'en sortir".   "Combien de temps encore avant que les chiffres ne prennent le pouvoir sur les mots - liberté, égalité, fraternité?   "Plus personne ne voulait du modèle universaliste hérité de la Révolution française, les Lumières s'étaient éteintes sur les peuples qui préfèraient acheter des smartphones pendant qu'une minorité faisait payer cher à tous le droit de jouir de leurs privilèges en attendant de muter en "sapiens 2.0."    Des passages tels que ces derniers, j'aurai pu vous en citer des dizaines mais ce n'est pas non plus le but ultime d'une chronique même s'il permet de mettre l'eau la bouche. Car que voilà donc un ouvrage magnifique, une de ces pépites que l'on voudrait garder par devers soi comme un "doudou" que l'on ne pourrait quitter! McCash,après une jeunesse irlandaise tumultueuse, ex/flic démissionnaire cassé, au bout du chemin, désillusionné, "aquaboniste", se retrouve dans un rôle inopiné de père d'une préadolescente de 13 ans en pleine Bretagne! Il apprend alors par hasard que l'un de ses anciens grands amis, Marco, grand navigateur, est porté disparu avec son bâteau au large des côtes espagnoles suite à une collision avec un cargo/chauffard! La suite est à la fois un extraordinaire roman d'aventures, roman noir avec des éclairs lumineux et une langue magnifique, traversé de passages épiques et picaresques, McCash , ce grand borgne au coeur immense derrière une carapace inexpugnable et qui se révèle au fil du temps un incorrigible chevalier au grand coeur , cherchant à tirer des griffres de ces trafiquants d'êtres humains Angélique, son premier et seul amour, une sculpturale sénégalaise! Tout est passé en revue, les dégâts d'un capitalisme financier sans foi ni loi, l'exploitation éhontée des populations migrantes, ces mafias de passeurs qui, toute honte bue, passent au tamis de leur cupidité sans bornes la vie misérable des exilés!! Quel bouquin , mais quel bouquin , et quel style échevelé, brillant, rempli de trouvailles audacieuses! Une lecture qui m'a enchantée, bouleversée, tourneboulée car, en plus elle contient un message fort à destination de nous tous, Occidentaux confits dans nos égoismes étriqués, celui de l'irrésistible montée en puissance de populations fuyant les guerres, les famines, les désastres climatiques! Oui, M.Caryl Ferey, vous êtes définitivement un grand de la littérature noire , de la littérature tout simplement! Un grand merci à la série noire Gallimard et à Christelle Mata.  

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