"Le Voyage de Mehdi" de Laurence Biberfeld

Extraits :" Cet état contemplatif si intense qu'il frisait la douleur, cet état d'attente assorti du désir inavoué que rien n'arrive. Ce caillou, semblable à l'oeil d'un appareil photographique qui aurait attendu pour cligner l'image parfaite, celle qui ne vient jamais. Il reposait, parasitaire et narcotique, sous son crâne. Il luisait comme un écran, distillant l'impuissance et le rêve."   "L'argent, cette entité monstrueuse qui se multipliait sur la chair paralysée du monde, comme les larves de pompile sur les araignées piégées. Qui s'interposait entre les humains et leurs besoins, leurs désirs, leurs ambitions, leurs actions, leur liberté de faire et d'être. Pour la plus grande partie de l'humanité, l'argent concrétisait la violence quotidienne de toutes les interdictions. Elle l'avait écouté, comprenant que jamais ces quelques rouleaux de papier qu'elle serrait rituellement dans une chapelle secrète ne seraient autre chose que les actes qui lui permettaient de se les approprier: une monnaie de singe, un bond tronqué dans les limites de sa cage, quelque chose qui ne leur coûtait rien et qui ne lui servirait à rien."  Quelle style, quelle écriture, flamboyante, échevelée! C'est l'histoire à la fois opaque et secrète d'une légende de la photographie qui expose probablement pour la dernière fois alors que personne ne l'a vu depuis cinq ans et qu'il souffre d'une maladie génétique rare et incurable, la progéria ( vieillissement accéléré). Il désire à travers cette exposition expliquer son besoin de retrouver sa mère biologique en France ( car il est d'origine algérienne) et une grande partie de ce roman noir se déroule lors du vernissage de cette expo. à travers les yeux de son dernier modèle et de la plus célèbre critique d'art photographique! Au départ, celà peut paraître abscons mais au fil des pages, superbes, c'est tout bonnement magnifique! Cette auteure, pas très connue sauf d'un petit cénacle, mérite amplement d'élargir son univers de fidèles avec une telle écriture, d'une extraorinaire richesse! Enfin voilà, maintenant, vous faîtes évidemment ce que vous voulez mais je vous aurai prévenu, ce qui, après tout, est mon rôle!