"Le Paradoxe d'Anderson" de Pascal Manoukian

Dans le Nord de l'Oise, si proche géographiquement des centres de décisions et des cénacles parisiens et si loin sociologiquement de leurs cénacles et de leurs castes, Pascal Manoukian nous narre avec brio et sans fard la longue et irrésistible descente aux enfers d'une famille ouvrière qui n'a pas encore conscience dans les tous premiers temps de l'extrême fragilité de son petit cocon! Car la mondialisation et ses vagues dévastatrices de délocalisations , de surcoût du travail ( prétendument !) et de salariés jetables parviennent avec une brutalité sans nom jusqu'aux confins du Beauvaisis et là, très vite, ce n'est plus la même chanson, c'est la complainte de la précarité, du surendettement, de l'évitement des huissiers et de cette peur terrible et inavouable du déclassement ! Christophe, Aline, Léa leur fille bientôt bachelière en économie et Mathis le petit dernier atteint d'une maladie rare vont se retrouver propulsés dans la grande broyeuse des espoirs déçus, des promesses non tenues, de la goinfrerie des actionnaires aussi inaccessibles qu'inconnus, des salariés jetables, du mépris de la condition humaine, du maelstrom de la cupidité, de l'avidité rapace! Alors, pour ne pas mourir, pour rester hors de l'eau, cette famille si honorable va tenter des "coups" aussi grandguignolesques que désespérés! Mais ils savent pertinemment, en leur for intérieur, que la pente des évènements est fatale! Extraits :"La France avait remplacé ses paysans par des ouvriers, puis ses ouvriers par des employés de service; Aujourd'hui,elle remplaçait ces derniers par des travailleurs du numérique. Pour le système fonctionne, il fallait accepter une marge d'erreur, une "casse marginale", car tous les salariés ne se révélaient pas interchangeables, d'autant qu'on oubliait d'anticiper les grands changements technologiques et de former les hommes aux métiers qui viendraient percuter les leurs (difficile alors de passer d'un atelier de fabrication de chaussettes à la programmation d'un site internet."   "Aux ouvriers français de se laisser tondre au plus court pour que les actionnaires puissent continuer à putter sur les greens". "La marée monte inexorablement,inondant les classes moyennes. Les familles réclament désespérement les secours. Elles espèrent des bouées et on leur jette des modes d'emploi pour s'en fabriquer. Chacun doit devenir son propre sauveteur, s'auto-employer, chercher son statut dans l'économie de partage, louer sa voiture, sa perceuse ou son appartement, se "blablacariser","s'ubériser",se "crowdfundiser" pour pallier la frilosité des patrons et des banques, et, ultime abandon, accepter d'être licencié plus facilement pour espèrer être embauché."    Un excellent bouquin, clair et sans concession sur l'état de notre monde , à l'écriture limpide, au style impeccable qui devrait servir de support de base à l'enseignement des premiers pas dans l'économie! Mais ne serais-je pas un peu iconoclaste?   

Commentaires (1)

Manoukian Pascal
  • 1. Manoukian Pascal | 22/08/2018
Merci d'avoir ris le temps de me lire. Pascal.

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