"La Fille au Caoutchouc" de François Thomazeau

Epoustouflant de brio et de talent, un style à nul autre pareil, une explosion en bouche de perles linguistiques, de trouvailles audacieuses et délicieuses !!  Extraits : " Ce serait une cause nationale.On procèderait par décret pour mettre fin à ces plaisirs injustement nombrilistes en ces temps de disette sexuelle. On instituerait une CSG, une Caresse Solidaire et Généreuse."  "Lorsque je mourrai, un corbillard anonyme me conduira vers mon ultime micro-ondes pour un dernier plat à réchauffer en solitaire."  "Un authentique diplomate de l'amour. Un attaché d'embrassades." Et c'est ainsi un flot quasi ininterrompu et virevoltante de très bons mots et de magnifiques pépites , sur le mode narratif d'un je introspectif dont le lecteur ne saura au final vraiment jamais si c'est le vrai tueur ou son double halluciné qui raconte, un célibataire faussement endurci qui multiplie les déceptions, les désaveux amoureux et qui persiste à entretenir des relations complexes et ingérables avec ses ex.! Noémie, Caro, Sarah,Elsa et bien sûr cette évanescente fille au caoutchouc émaillent ainsi son parcours sentimental labyrinthique, chaotique avec comme finitude une frustration abyssale!  Et drôle, mais d'une drôlerie irrésistible , comme une impossibilité radicale de se prendre définitivement au sérieux!.  Extraits :" Ma retraite, je la prends dans deux ans, à 45 ans, juste pour contredire le gouvernement. Quitte à ne rien toucher dans 30 ans, autant ne rien toucher maintenant que je suis en moins mauvaise santé."     "SFR, Orange,Free,Bouygues,Twitter, Facebook, Snapchat,Instagram. La vie n'était plus dans l'air, plus autour de nous, elle ne remplissait plus nos coeurs et nos poumons. Elle glissait sur notre rétine et se rechargeait tous les soirs".    "La terrasse s'étalait de guéridon en guéridon, constellée de zombies en proie à cet étrange parkinson post-moderne. Leurs petits doigts agiles boxaient la vitrine des showcases de leurs vies comme pour la bousculer, entrer dans la chair des microprocesseurs."  Des scènes inénarrables, improbables, et s'il était encore de ce monde, car c'est en plus ô combien visuel, j'aurais bien envisagé un Lautner dialogué par Audiard s'emparer du synopsis? Mais quant à savoir qui aurait pu tenir le rôle du caoutchouc, laissons le choix à un horticulteur, cela ne relève plus de notre branche si j'ose dire! Et ce serait au-delà du raisonnable, non? Merci beaucoup à Véronique Ducros, fondatrice de cette remarquable maison d'édition.