Une vie c'est un parcours et quand, dans le dernier tiers, tout homme se retourne et s'interroge: Ah oui, c'est moi qui ai fait tout ça, et quand il se questionne , oui, mais pourquoi?  C'est le premier effet que me fait de suite ce splendide opus à fortes connotations autobiographiques, retraçant une vie d'espion ou plus précisément d'agent de terrain et des relations tendues, ambigues, secrètes, avec son officier traitante, la sulfureuse Vesper. Ce livre extraordinaire ( dans la première acception du terme) vous fait traverser et connaître les contrées africaines les plus méconnues mais souvent aussi les plus sanglantes, les plus abominables, sous la coupe d'autocrates épouvantables, de tyrans déshumanisés dont les seules valeurs sont le pouvoir et la violence systémique y afférente; Le tout sous l'oeil complaisant et souvent complice des pays occidentaux dont la France ne fut pas la dernière à tremper ses mains putrides! Victor n'était qu'un pion ballotté sur l'immense échiquier de la planisphère mondiale, à frayer dans les marécages de l'Afrique de l'Est et Centrale, toute cette mosaique de pays traumatisés par des génocides ( vous avez des pages à la fois terribles et de toute beauté à découvrir à l'intérieur de ce roman parfois très glauque) et une violence endémique sur fond de trafic d'oeuvres d'art, de métaux rares et de pierres précieuses! Et le tout sous l'oeil aiguisé, cynique et sinistrement comptable de Vesper qui, elle, ne se salit pas les mains et s'active à grimper par un arrivisme exacerbé dans les strates de la hiérarchie du renseignement ! "Vesper, tu tiens des comptes, celui de tes budgets, celui de tes personnels, celui de la production de tes personnels, de tes agents, celui des profits et des pertes. Existe-t-il un compte compassion pour l'autre qui vit ses derniers instants , dans l'épouvante?"  Et ce style " J'aime écouter le vent dans les palmiers, savourer le jus de goyave frais au bar art déco, fouler les faiences au sol, traverser le hall vaste et serein comme celui d'un honorable palace, saluer le groom m'ouvrant la porte de la cage en fer forgé de l'ascenseur qui hoquette jusqu'à l'étage de ma suite habituelle, où je laisse les alizés prendre les voilages". Un grand merci aux éditions Robert Laffont et un grand coup de chapeau à l'auteur qui a manifestement joué la carte d'une bienheureuse transparence dans une sphère où l'occulte et l'omerta, sans compter les relents nauséabonds, tiennent lieu de gouvernance!   

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