"La forêt grouillait d'odeurs de terre et de plantes trop mûres, lorsqu'aux alentours de midi un hurlement retentit. Aussitôt , l'air coagula, un minde silence régna plusieurs secondes et puis les huelements reprirent. Des coups sours résonnèrent contre les troncs, on entendit les feuilles bruisser, les racines se fendre, une violente onde terreur remonta le long des pentes boisées de la combe et explosa dans le ciel bleu limpide, entre les montagnes.En haut du vallon, sur une piste étroite, un homme immense apparut. Son torse colossal, aussi épais que large, finissait par une grosse tête sauvage. Ses bras noueux comme des troncs écartaient les branches des épicéas, mélèzes, en bordure de piste. Sa peau était cornée et un courire niais figeait son visage.Malgré sa corpulence, il se faufilait aisément entre les massifs de cynorrhodons, de cornouillers et les génévriers revêches. A part quelques orages étiques, il n'avait pas plu depuis quatre mois, la terre se craquelait."  Ainsi débute ce fabuleux "Nature Writing" à la langue suave, délicate, comme trempée dans un bain de jouvence! C'est un splendide roman noir vous plongeant dans une nature encore épargnée par la rapacité des hommes , une montagne à la robe blanche, pas encore ternie par la sauvagerie humaine , mais pour combien de temps? David est un brave garçon, un peu simple, et que l'on assimile trop aisément à un ogre! Son ami Ludo , exilé là avec sa famille à l'issur d'un trajet familial chaotique, travaille la nuit comme dameur dans cette station de ski dirigée d'une main de fer et peu recommandable par le clan des Cornado, un trio qui a pour seule valeur l'argent ! Alors , quand la sécheresse vient à s'emparer du territoire, que l'eau vient à dramatiquement manquer et qu'en dépit de tous ces facteurs rédhibitoires, les canons à neige poursuivent leur débit à une allure démentielle, Ludo est en droit de se poser la question : mais d'où vient cette eau, serait-elle détournée? Surtout que lui et David avaient quelques jours plus tôt découvert à l'état de charogne, un cadavre enfoui au bord d'une piste! Ne serait-ce pas par hasard celui de l'inspecteur de contrôle sanitaire dont on a perdu la trace? Il y a des passages absolument sublimes, notamment concernant la description de ces paysages et de la faune, mises en danger par cette cupidité humaine sans limites! Les personnages et la narration de leur travail, celui d'invisibles, ces employés de l'ombre oeuvrant pour le plaisir d'une minorité de privilégiés, est aussi très bien rendus ( dameurs, pisteurs, perchman......). Alors oui, ce fut un réel plaisir de lecture que je n'ai pas boudé! Extrait:" Ses oreilles, grandes comme des paraboles qui gigotaient les jours de vent, se refermaient comme deux huîtres à l'approche des chuchotements moqueurs; des cheveux blonds visqueux luisaient comme des écailles de truite, il avait les lèvres plus rouges qu'une donzelle fardée, le type donnait envie de changer de trottoir."   Un grand merci aux éditions Calmann-Lévy et à Johann Guillaud-Bachet pour son superbe talent et son charmant mot d'accompagnement ! 

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