Attention, littérature dite blanche ( autrement dit générale). Pourquoi cette incursion, m'objecterez-vous? Deux raisons majeures: j'aime beaucoup cette auteure que je suis avec bonheur depuis plusieurs ouvrages et j'espère pouvoir la rencontrer dans quelques jours pour une séance d'échanges et de  dédicaces. Cet ouvrage nous conte le parcours d'une jeune peintre en trompe-l'oeil, de son apprentissage "à la dure" à son avènement, cette maîtrise fabuleuse de l'art de l'illusion et ce, sur types de supports! De ces débuts balbutiants dans un atelier bruxellois où les maîtres ne vous pardonnent rien, surtout pas la moindre faiblesse, jusqu'au parcours dans ses débuts erratiques et son obstination enfin récompensée jusqu'à cette consécration ultime dont, par honnêteté nous ne dirons rien.  Et surtout quel style, quelle invraisemblable richesse de vocabulaire, des phrases très longues, comme elliptiques, qui procurent une rythme singulier à l'oeuvre. "Extrait :elle ne sort pas quand dehors, c'est Avril, la reverdir, la peau des épaules et des mollets réapparue sur les trottoirs, l'air acide, gazeux, gorgé de chlorophylle, le ciel cristallin, les couleurs de la ville rallumées, et si elle consentait à sortir un peu, Paula les verrait comme elle ne les a encore jamais vues et saurait désormais les nommer avec justesse- nacarat, cuisse de nymphe émue, paprika, aigue-marine, baise-moi-ma-mignonne, jaune de naples, merde d'oye,vert d'après l'ondée, pomelo." Et parfois, comme une diversion vers l'état social de notre monde actuel :"Extrait : Elle a rallié la cohorte des travailleurs nomades, ceux qui se déplacent à longueur d'année, et parfois loin, au gré de leurs contrats, ceux-là bien distincts des stars de twitter ou d'instagram que l'on fait venir à grands frais pour la soirée de lancement d'un téléphone portable, d'une ligne de maquillage ou d'un sorbet à la crevette-coiffeurs et coloristes, pâtissiers étoilés, footballeurs, chirurgiens aux dents blanches, agents de toutes sortes, chroniqueurs cultes-, et bien distincts aussi du prolétariat embauché à flux continu sur les chantiers qui prolifèrent à la surface du globe, la main-d'oeuvre inépuisable et sous-payée qui circulent dans les soutes de la mondialisation." Et cette question finale, terrible, qui est la seule qui vaille :"Qui peut encore croire aux hommes, Paula"? Quel surprenant ouvrage, voguant constamment entre illusion et réalité, embelli d'une langue dense et chatoyante, et dont l'auteur est la résultante d'un pur talent." Alors, illusion d'optique ou vérité singulière, à chacun de se l'approprier .

Couverture du livre : Un monde à portée de main

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